ALAIN BERY
L’inspiré fondateur
Rencontre avec Alain Béry
Par Claudine Durochat, rédactrice en chef agence PARDI
Chez les Bery, on vit en famille. Parents et enfants sont réunis sur une même propriété, à Marennes (69). Ici, l’atelier siège en maitre. Le bâtiment est immense et les habitations semblent s’articuler autour. Quand on y pénètre, on est surpris par l’ordre qui y règne : il semble que tout est à sa place et que rien de dépasse. Alain Béry s’étonne quand je lui fais remarquer : « C’est pourtant le bazar en ce moment ! »… S’installer pour mener une interview est une autre paire de manches. Il n’y a pas vraiment d’espace libre pour poser un ordinateur et encore moins de sièges pour s’asseoir. De là à dire qu’Alain Béry ne tient pas en place, il n’y a qu’un pas. On improvise un bureau de fortune et on commence.
La passion comme point de départ
Alain débute sa carrière chez le Transporteur Berlier. Son père y travaille aussi et pour lui, c’est l’entreprise idéale : on peut y mener toute sa carrière. Alain lui, ne fait qu’y passer : « J’ai vite compris qu’il ne fallait pas que je reste là. C’était une routine et je n’avais pas d’avenir là-dedans. » Il se met à son compte « dans les années 1974 » comme il dit. Je trouve ça drôle comme manière de présenter les choses : cet homme est précis même dans ses approximations. Il explique avoir commencé dans un petit atelier qui fait face à celui dans lequel nous sommes. « C’était du bricolage, c’était artisanal » dit-il comme pour s’excuser. « J’ai commencé par les motos notamment en travaillant sur des modifications des cadres des échappements. J’ai beaucoup créé de side-car aussi. Nous sommes 3 frères dans la famille et nous sommes tous motards. J’ai donc beaucoup fréquenté ce milieu-là. C’est par passion pour la mécanique de course que je suis entré dans ce monde. D’aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours intéressé à ce qui avait des roues et un moteur. »
Toujours plus loin
Quelques temps plus tard, lui vient une idée folle : monter un moteur de moto sur un châssis de voiture. « Je pense avoir été le premier en France à faire une chose pareille ! Je voulais prouver que ça ne servait à rien de faire des voitures de 300 chevaux qui pesait des tonnes ! Mieux valait imaginer des véhicules
moins puissants mais plus légers, parce que, plus c’est léger plus ça marche. Le poids, est alors devenu mon obsession. J’ai réussi à atteindre 400 kg pour 200 chevaux. Au freinage, c’est spectaculaire, et pour cause : pas de poids, pas d’inertie et on s’arrête très vite. Vincent Beltoise qui a roulé avec l’une de mes
voitures à Alès, a fait des temps vraiment canons !». Grâce à sa renommée, Alain Bery construit 8 prototypes du genre pour ses clients. Il sourit en racontant ses souvenirs : « On venait me chercher pour avoir quelque chose de beau et de bien fait. Je vendais mes voitures entre 35 et 38 000 euros. Ma femme râlait : non seulement je ne gagnais pas d’argent avec ça, mais en plus j’en perdais ! ».
Laisser une trace
Le vélo arrive un peu par hasard dans sa vie. « C’est un copain qui m’a proposé de faire un cadre de BMX pour son gamin. Le petit roulait plutôt bien, mais il n’arrivait pas à trouver un vélo solide et léger. Il faut bien reconnaitre qu’à cette époque, le BMX arrivait à peine France et tout était un peu fait à l’arrache ! Pour eux, j’ai commencé à faire un cadre de BMX, puis une fourche, un pédalier, un guidon et des tiges de selle cintrée. C’est moi qui fabriquais tout ». Si vélo a été commercialisé, Alain précise : « le business, le fric, tout ça, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Moi, ce que je veux c’est créer. Je veux laisser une trace de mon passage. Quand je sais qu’aujourd’hui certaines personnes ne veulent pas se séparer de leur vélo Bery, 40 ans après qu’ils aient été fabriqués, ça me fait chaud au coeur. Mes vélos ne sont pas mythiques mais de savoir ça, c’est une vraie récompense ! »
Et ne jamais s’arrêter
Une autre me vient spontanément. Pourquoi se relancer dans l’aventure Bery à bientôt 76 ans ? « Parce que c’est un projet qui m’intéresse ! J’ai encore pleins de trucs à apporter. Il y a des choses que je sais aujourd’hui et que je ne savais pas lorsque j’ai fait mes premiers vélos : je peux aider à améliorer l’existant ! Et le mieux dans tout ça, c’est que je vais encore apprendre grâce à ce projet ! » Alain Béry est d’une sagesse et d’une humilité qui forcent le respect. « Toute ma vie, c’est la passion qui m’a guidé. L’important c’est de faire quelque chose qu’on va aimer faire, parce que le travail, ça représente quand même une grande partie de la vie. La gagner sans faire un travail à la con, mais en choisissant quelque chose qu’on a plaisir à faire, c’est quand même bien mieux ! » Et de conclure : « Ma femme me dit toujours « Il faudra bien un jour que tu arrêtes de faire des inventions et de créer ! » Mais moi je crois que je ferai ça jusqu’à la fin ! J’ai encore la cafetière qui travaille ! Je suis encore capable de dessiner des choses et j’ai les capacités de savoir ce qui marche. Alors je continue ! »
Aussi charmant qu’il a les yeux rieurs, Alain Béry est un
homme aux mille talents, un exemple à suivre. Merci pour
cette jolie rencontre.
Claudine Durochat – Rédactrice en chef, agence PARDI